Potosi, synonyme de richesse et d’exubérance.
Potosi, synonyme de souffrance, de labeur et de mort. Au détour de petites
ruelles colorées, de somptueux bâtiments coloniaux apparaissent, laissant
imaginer la grandeur et l’importance passée de cette ville à l’époque
coloniale. Potosi se dresse au pied du Cerro Rico dont les sources de ce métal
précieux que l’on appel argent semblaient infinies pour suppléer aux besoins
exubérants de l’Espagne d’autrefois. Potosi, tu as vu la richesse, tu as vu la
souffrance, tu as vu la mort, et tu continues ton chemin douloureux dans
l’espoir d’exploiter les derniers filons que l’ogre espagnol a bien voulu te
laisser.
Le Cerro Rico: richesse du passé et couvant l'enfer |
Les mineurs de Potosi disent qu’ils mangent la
montagne, et que la montagne les mange en retour. Des milliers d’indigènes et
d’esclave noirs exploités pendant près de trois siècles, 8 millions furent
avalés par la montagne, poussant l’Espagne à chercher des hommes de plus en
plus loin pour combler le manque de mains-d’oeuvre. Ces hommes courageux et
travailleurs restaient parfois dans la mine pour 4 mois d’affilée, mâchant de
la feuille de coca pour avoir de l’énergie et soulager leurs peines.
De nos jours, les conditions de travails ne
sont guères meilleures. Nous partîmes pour une visite des mines en ce jour de
fête national du Corpus Christi. Nos guides, pleins d’humours, sont d’anciens
mineurs ayant eu la chance de pouvoir se reconvertir dans le tourisme, nous
donnent notre équipement : pantalons, veste, casque et lampe électrique.
Après avoir enfilé notre matériel, nous allons au marché des mineurs où tout le
matériel qu’ils ont besoin pour l’extraction de minerai est vendu sans
régulation. C’est ainsi que l’on peut se procurer un baton de dynamite avec la
mèche et une poudre pour que ça pète encore plus fort pour la modique somme de
20 bolivianos. En général, les touristes achètent un petit cadeau là-bas pour
les mineurs à qui ils rendront visite : bâtons de dynamite, feuilles de
coca, cigarettes ou jus de fruit. La coca sert au mineur à résister à la
fatigue, la douleur et la faim quand ils sont sous terre. Ils mâchent
constamment de la coca et ne peuvent pas manger dans la mine. En effet, les
poussières toxiques se déposerait sur la nourriture et les rendraient malades.
On pouvait encore faire les malins à ce moment |
Après cela, nous nous rendons dans une
raffinerie où les pierres pleines de minéraux sont acheminées et vendues par
les mineurs aux compagnies privées qui s’occuperont d’extraire les minéraux. Après
un premier traitement assez basique ici, les métaux extraits sont vendus à
l’étranger, au Chili et en Argentine où ils seront raffinés avec des
technologies plus avancées. Le matériel est rustique et les odeurs de produits
chimiques nous poussent à sortir les bandanas. Et pourtant, ici c’est le
paradis comparé à ce qui nous attend quelques minutes plus tard…
La raffinerie |
Arrivés à l’extérieur de la mine, on trouve
quelques baraquements où les mineurs se changent et quelques vieux wagons
rouillent au soleil. La montagne n’a l’air de rien avant que l’on ne
s’engouffre dans ses entrailles. Du sang de lama recouvre l’entrée de la mine.
L’animal fût sacrifié afin de protéger les mineurs des dangers de la montagne.
A l’intérieur, la lumière du jour disparaît rapidement et nous marchons
quelques minutes dans un couloir relativement spacieux bien que les grands du
groupe doivent se baisser quelque peu ou constamment se cogner le casque contre
les poutres. Ce luxe sera de courte durée et l’on se faufile dans une galerie
en rampant pour rejoindre la statue du Tio. Les mineurs font des offrandes au
Tio (Oncle en français) qui est en quelque sorte le dieu des enfers. Les
mineurs lui offrent des feuilles de coca, cigarettes et autres pour l’apaiser
car ils entrent dans son royaume. Les parois sont jaunes et l’odeur de souffre
qui s’en dégage est exécrable. Ajouté à la chaleur ambiante, le parcours n’en
est que plus difficile. A l'intérieur de la mine, on ne parle pas de malheur et d'accident. On ne siffle pas non plus, cela porte malheur. On n'écoute pas de musique car cela empêcherait les mineurs d'entendre les explosions et autres chutes de roches. Tout n'est que silence, sueur et poussière.
L'une des entrées en enfer |
El Tio |
Nous continuons notre chemin et descendons un
étage en crapahutant et en essayant de ne pas faire tomber de rocher sur les
types en-dessous. Arrivé en bas, on rampe à nouveau et rencontrons les premiers
mineurs travaillant ce jour-ci. Malgré que ce soit un jour férié, ces hommes
travaillent dur en ce jour, comme presque tous les jours de leur courte vie. Ce
sont deux frères. Tout deux ont commencé à travailler dans la mine bien avant
leur majorité. Ils extraient le minerai au marteau et au burin. Leur père,
travaillant également avec eux, trient les pierres extraient par ces fils et
ils devront remonter tout cela à dos d’homme jusqu’à la sortie. On commence
déjà à être fatigué et les bandanas qui nous protègent de la poussière nous
donnent de la peine à respirer. On continue et descendons encore deux étages où
les galeries sont un peu plus large et où des rails permettent aux mineurs
d’utiliser les wagons pour remonter les pierres. Wagons qu’ils poussent à bout
de bras on s’entend. Ici, nous rencontrons un père de 55 ans, le mineur le plus
âgé de la mine, et ses quatre enfants. Le plus jeune a 16 ans et cela fait 4
ans qu’il travaille à la mine. Leur travail est dur physiquement mais surtout
difficile à cause de toute la poussière qu’ils respirent continuellement car
ils ne portent pas de bandanas car cela les empêche de respirer.
A la sortie, plus personne n’a envie de rire.
Nous avons tous reçu une belle leçon d’humilité que nombre de nos compatriotes
mériteraient de recevoir de temps en temps. Malgré leurs conditions de travail
et de vie difficile, ces mineurs sont fiers de ce qu’ils font et mérite toute
notre considération. Malheureusement, leurs conditions ne sont pas prêtes de
s’améliorer et les jeunes fils de mineurs ne sont pas près de sortir des mines.
En effet, les mineurs de Potosi gagnent en général 4 à 5 fois plus par mois que
le salaire moyen des autres professions à Potosi. Les jeunes ne voient donc pas
l’intérêt d’aller à l’école ou de changer de travail alors qu’ils gagnent
confortablement, à l’échelle de la ville on s’entend. De plus, comme les
mineurs travaillent en coopérative qu’ils gèrent eux-mêmes, le gouvernement ne
fait rien pour améliorer leurs conditions. Les mineurs s’autogèrent en petit
groupe en terme de jours de travail par semaine et d’heures de travail par
jour. Chaque groupe exploite une partie de la mine dont ils reçoivent le droit
d’exploitation par la coopérative. 7% de leur revenu va à la coopérative et
environ 7% à l’état sous forme de taxe. De plus, les mineures gagnent en
fonction de ce qu’ils trouvent, si leur filon s’épuise, leurs revenus
s’épuisent également. Malgré les salaires relativement élevés pour la région,
les conditions de travail et la mortalité élevée ne sont guère réjouissantes. En
général, la silicose enlèvera la vie à ces mineurs avant l’âge de 55 ans. La
retraite étant à 65 ans, ce seront la femme et la famille du mineur défunt qui
touchera la pension.
Les sourires s'effacent et les coeurs se serrent |
Magnifique description de ces mineurs et de leur vie.
RépondreSupprimerContent de revivre la suite de tes (vos) aventures.
Papoune
Poignant témoignage Nicolas, on ne peut en effet que se sentir touchés par ce courage, cette leçon de "survie
RépondreSupprimermaman