mercredi 29 mai 2013

Vale un Potosi


Potosi, synonyme de richesse et d’exubérance. Potosi, synonyme de souffrance, de labeur et de mort. Au détour de petites ruelles colorées, de somptueux bâtiments coloniaux apparaissent, laissant imaginer la grandeur et l’importance passée de cette ville à l’époque coloniale. Potosi se dresse au pied du Cerro Rico dont les sources de ce métal précieux que l’on appel argent semblaient infinies pour suppléer aux besoins exubérants de l’Espagne d’autrefois. Potosi, tu as vu la richesse, tu as vu la souffrance, tu as vu la mort, et tu continues ton chemin douloureux dans l’espoir d’exploiter les derniers filons que l’ogre espagnol a bien voulu te laisser.

Le Cerro Rico: richesse du passé et couvant l'enfer 
Les mineurs de Potosi disent qu’ils mangent la montagne, et que la montagne les mange en retour. Des milliers d’indigènes et d’esclave noirs exploités pendant près de trois siècles, 8 millions furent avalés par la montagne, poussant l’Espagne à chercher des hommes de plus en plus loin pour combler le manque de mains-d’oeuvre. Ces hommes courageux et travailleurs restaient parfois dans la mine pour 4 mois d’affilée, mâchant de la feuille de coca pour avoir de l’énergie et soulager leurs peines.

De nos jours, les conditions de travails ne sont guères meilleures. Nous partîmes pour une visite des mines en ce jour de fête national du Corpus Christi. Nos guides, pleins d’humours, sont d’anciens mineurs ayant eu la chance de pouvoir se reconvertir dans le tourisme, nous donnent notre équipement : pantalons, veste, casque et lampe électrique. Après avoir enfilé notre matériel, nous allons au marché des mineurs où tout le matériel qu’ils ont besoin pour l’extraction de minerai est vendu sans régulation. C’est ainsi que l’on peut se procurer un baton de dynamite avec la mèche et une poudre pour que ça pète encore plus fort pour la modique somme de 20 bolivianos. En général, les touristes achètent un petit cadeau là-bas pour les mineurs à qui ils rendront visite : bâtons de dynamite, feuilles de coca, cigarettes ou jus de fruit. La coca sert au mineur à résister à la fatigue, la douleur et la faim quand ils sont sous terre. Ils mâchent constamment de la coca et ne peuvent pas manger dans la mine. En effet, les poussières toxiques se déposerait sur la nourriture et les rendraient malades.

On pouvait encore faire les malins à ce moment
Après cela, nous nous rendons dans une raffinerie où les pierres pleines de minéraux sont acheminées et vendues par les mineurs aux compagnies privées qui s’occuperont d’extraire les minéraux. Après un premier traitement assez basique ici, les métaux extraits sont vendus à l’étranger, au Chili et en Argentine où ils seront raffinés avec des technologies plus avancées. Le matériel est rustique et les odeurs de produits chimiques nous poussent à sortir les bandanas. Et pourtant, ici c’est le paradis comparé à ce qui nous attend quelques minutes plus tard…

La raffinerie
Arrivés à l’extérieur de la mine, on trouve quelques baraquements où les mineurs se changent et quelques vieux wagons rouillent au soleil. La montagne n’a l’air de rien avant que l’on ne s’engouffre dans ses entrailles. Du sang de lama recouvre l’entrée de la mine. L’animal fût sacrifié afin de protéger les mineurs des dangers de la montagne. A l’intérieur, la lumière du jour disparaît rapidement et nous marchons quelques minutes dans un couloir relativement spacieux bien que les grands du groupe doivent se baisser quelque peu ou constamment se cogner le casque contre les poutres. Ce luxe sera de courte durée et l’on se faufile dans une galerie en rampant pour rejoindre la statue du Tio. Les mineurs font des offrandes au Tio (Oncle en français) qui est en quelque sorte le dieu des enfers. Les mineurs lui offrent des feuilles de coca, cigarettes et autres pour l’apaiser car ils entrent dans son royaume. Les parois sont jaunes et l’odeur de souffre qui s’en dégage est exécrable. Ajouté à la chaleur ambiante, le parcours n’en est que plus difficile. A l'intérieur de la mine, on ne parle pas de malheur et d'accident. On ne siffle pas non plus, cela porte malheur. On n'écoute pas de musique car cela empêcherait les mineurs d'entendre les explosions et autres chutes de roches. Tout n'est que silence, sueur et poussière.

L'une des entrées en enfer
El Tio
Nous continuons notre chemin et descendons un étage en crapahutant et en essayant de ne pas faire tomber de rocher sur les types en-dessous. Arrivé en bas, on rampe à nouveau et rencontrons les premiers mineurs travaillant ce jour-ci. Malgré que ce soit un jour férié, ces hommes travaillent dur en ce jour, comme presque tous les jours de leur courte vie. Ce sont deux frères. Tout deux ont commencé à travailler dans la mine bien avant leur majorité. Ils extraient le minerai au marteau et au burin. Leur père, travaillant également avec eux, trient les pierres extraient par ces fils et ils devront remonter tout cela à dos d’homme jusqu’à la sortie. On commence déjà à être fatigué et les bandanas qui nous protègent de la poussière nous donnent de la peine à respirer. On continue et descendons encore deux étages où les galeries sont un peu plus large et où des rails permettent aux mineurs d’utiliser les wagons pour remonter les pierres. Wagons qu’ils poussent à bout de bras on s’entend. Ici, nous rencontrons un père de 55 ans, le mineur le plus âgé de la mine, et ses quatre enfants. Le plus jeune a 16 ans et cela fait 4 ans qu’il travaille à la mine. Leur travail est dur physiquement mais surtout difficile à cause de toute la poussière qu’ils respirent continuellement car ils ne portent pas de bandanas car cela les empêche de respirer.



A la sortie, plus personne n’a envie de rire. Nous avons tous reçu une belle leçon d’humilité que nombre de nos compatriotes mériteraient de recevoir de temps en temps. Malgré leurs conditions de travail et de vie difficile, ces mineurs sont fiers de ce qu’ils font et mérite toute notre considération. Malheureusement, leurs conditions ne sont pas prêtes de s’améliorer et les jeunes fils de mineurs ne sont pas près de sortir des mines. En effet, les mineurs de Potosi gagnent en général 4 à 5 fois plus par mois que le salaire moyen des autres professions à Potosi. Les jeunes ne voient donc pas l’intérêt d’aller à l’école ou de changer de travail alors qu’ils gagnent confortablement, à l’échelle de la ville on s’entend. De plus, comme les mineurs travaillent en coopérative qu’ils gèrent eux-mêmes, le gouvernement ne fait rien pour améliorer leurs conditions. Les mineurs s’autogèrent en petit groupe en terme de jours de travail par semaine et d’heures de travail par jour. Chaque groupe exploite une partie de la mine dont ils reçoivent le droit d’exploitation par la coopérative. 7% de leur revenu va à la coopérative et environ 7% à l’état sous forme de taxe. De plus, les mineures gagnent en fonction de ce qu’ils trouvent, si leur filon s’épuise, leurs revenus s’épuisent également. Malgré les salaires relativement élevés pour la région, les conditions de travail et la mortalité élevée ne sont guère réjouissantes. En général, la silicose enlèvera la vie à ces mineurs avant l’âge de 55 ans. La retraite étant à 65 ans, ce seront la femme et la famille du mineur défunt qui touchera la pension.

Les sourires s'effacent et les coeurs se serrent
Nous retournons donc à notre auberge après cette leçon de vie. Ce ne fût pas une partie de plaisir et nous avons grandement été choqué par ce que l’on a pu voir. Le jeune âge des mineurs a sans le moindre doute été la chose la plus choquante dont nous pouvons témoigner. Néanmoins, nous sommes content d’avoir fait cette visite pour ce qu’elle nous enseigne. Je recommanderai de le faire à tous ceux qui passent dans le coin et dont la santé le permet. Mais il est sage de le faire uniquement avec une agence qui reverse une partie des bénéfices aux mineurs pour que le voyeurisme dont nous sommes coupables ne soit pas vain. 

2 commentaires:

  1. Magnifique description de ces mineurs et de leur vie.
    Content de revivre la suite de tes (vos) aventures.
    Papoune

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  2. Poignant témoignage Nicolas, on ne peut en effet que se sentir touchés par ce courage, cette leçon de "survie

    maman

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